Chez Malternative, des mousse résolument locales

Brasserie sans compromis fondée par David Crettenand et Romain Nanchen, Malternative défend ses valeurs et son souhait de proximité avec une rare détermination. Labellisée Bourgeon Bio Suisse et Marque Valais, elle se veut résolument responsable, locale et engagée, jusqu’au-boutiste au point de (faire) cultiver ses propres ingrédients.

Soucieuse de la qualité de ses produits, elle est marquée par le passé cycliste de l’un de ses fondateurs et la rigueur que cela implique, ce qui donne des bières brassées avec précision, faciles à boire, peu sucrées et – osons le dire! – saines, du fait de la qualité des ingrédients choisis et de toute absence de chimie additionnelle. Si, bien sûr, on n’en abuse pas!

Devant le numéro 46 d’une série de ces box identiques aux murs de briques rouges qui ont essaimé un peu partout en Suisse Romande, je me dis que l’endroit ne paie définitivement pas de mine et manque désespérément de personnalité.

Si vous rêviez d’une brasserie aux cuves de cuivre rutilantes et à la tuyauterie complexe et parsemée de regards dans lesquels coule le jus doré qui donnera cette petite mousse délicieuse que vous essuierez du revers de la main après votre première gorgée de bière, vous serez sans doute déçu.es.

L’habit ne fait pas le moine

Mais attention, car il faut se méfier des apparences. Dans le monde de la bière encore plus qu’ailleurs. Et ma visite me confirmera une fois encore que l’habit ne fait décidément pas le moine – même trappiste – et que, de toute façon ces brasseries belles pour les yeux ne sont souvent qu’apparat – pour ne pas dire un leurre – et conçues pour tromper le consommateur.

Arrivé un peu plus tôt que prévu dans cette zone industrielle de la périphérie de Martigny, j’attends patiemment l’arrivée du brasseur à l’abris du vent dans mon véhicule, curieux de savoir ce que je découvrirai une fois franchie cette porte grise qui me retient à l’extérieur.

Aujourd’hui c’est journée de brassage à Malternative. Cette partie-là incombe à David qui dès son arrivée met la machine en route sans tarder, sachant qu’il démarre une journée longue et harrassante, comme le sont toutes les journées de brassage. On parle ici d’un processus qui prend au minimum 7 à 8 heures et qui nécessite beaucoup d’attention de la part du brasseur.

L’installation est simple, les cuves de taille modeste et le processus sans aucune automatisation, mais je découvrirai au cours de la journée un savoir-faire rigoureux et d’une étonnante précision.

Un processus parfaitement maîtrisé

On sent que ressort ici le passé cycliste du brasseur, marqué par des années de rigueur et de contrôle, tant du point de vue alimentaire qu’en terme d’hygiène de vie générale.

De mon côté, je me fais petit pour ne pas gêner son travail, me glissant ici et là avec mon objectif dans le but de fixer le processus en cours. Heureusement pour moi, mon passé de brasseur amateur me permet d’anticiper les différentes étapes du brassage et je peux me concentrer sur ma prise d’images, tout en admirant la dextérité avec laquelle David tricote avec les nombreux tuyaux qui parsèment son installation, les raccordant ici et là entre récipients et pompes pour faire circuler d’une cuve à l’autre tantôt de l’eau, tantôt du moût.

Le travail est précis, on sent l’expérience et il est évident que David est loin d’en être à son premier brassin. Il connaît son équipement par cœur et s’il doit réparer une pompe récalcitrante en cours de route, c’est sans perdre son calme ni le contrôle des opérations.

Et c’est ici que se fait toute la différence. Avec en plus chez Malternative une dimension rare chez les brasseurs artisanaux, qui est une volonté farouche de produire une bière qui ne soit pas seulement artisanale, mais en plus réellement locale et bio.

Des matières premières ultra-locales

Car leur bière ils l’ont voulue artisanale au point de convaincre un agriculteur de la région de faire pousser pour eux de l’orge brassicole et de pousser un autre à planter dans ses champs le houblon qui permettra de donner amertume et arômes aux productions de la brasserie.

Un surplus de travail phénoménal, d’autant plus que l’orge doit encore subir un processus de maltage et le houblon une mise en pellets, mais nécessaire pour garantir l’authenticité de la production et surtout pour que celle-ci se fasse conformément au valeurs des fondateurs de la brasserie qui, dès le départ, ont souhaité produire une bière qui soit non seulement bio mais aussi profondément régionale.

Une fois la chauffe de sa réserve d’eau mise en route, David se lance dans le concassage de ses grains d’orge maltée qui seront ensuite mélangés à l’eau pour en extraire les sucres. Le résultat est un jus douceâtre qui sera ensuite bouilli pendant une bonne heure avant d’être refroidi puis transvasé en cuve de fermentation.

C’est la phase de fermentation qui donne à la bière sa nature alcoolisée par transformation des sucres par les levures. Cette phase prend quelques petites semaines à température contrôlée et la bière est ensuite mise en bouteille avec un léger ajout de sucre pour une dernière fermentation qui apportera elle son gazeux à la bière.

Un bel équilibre en bouteille

A la dégustation – et c’est une excellente surprise! – la bière est marquée par l’expertise des brasseurs. Equilibrée, sans arrière-goûts parasites et sans excès de sucre, elle a un fini plutôt sec et rafraîchissant et se laisse délicieusement boire.

Je suis là pour un reportage, je n’en goûterai qu’une seule sur place, délicieusement acidulée grâce à l’ajout d’acide lactique en fin d’ébullition et me délecterai du reste de la gamme plus tard à la maison, impressionné par sa cohérence et surtout par tout ce que j’ai découvert au cours de ma visite.

Je savais en me rendant chez Malternative que la bière était labellisée bio et qu’ils employaient des ingrédients locaux, mais j’ai découvert là une équipe qui s’attache à faire des produits aussi qualitatifs que possible et qui défend ses valeurs sans compromis, jusqu’au-boutiste au point d’avoir trouvé des solutions pour valoriser ce qu’on considère comme des déchets de brasserie.

Ainsi les drèches (le malt dont on a extrait les sucres à l’empâtage) deviennent des crackers – parfaits pour accompagner l’apéro ou calmer une petite faim passagère – dont il existe une variante aromatisée au romarin dans la recette de laquelle sont aussi récupérées les lies (le dépôt visible en fond de bouteille et qu’on retrouve en plus grande quantité dans le fond des cuves de fermentation), les pertes de transferts et les bières arrivées à dates qui sont de cette manière astucieusement revalorisées au lieu d’être jetées.

Le Podcast de cet épisode